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vendredi 4 novembre 2011

Le Jasmin étoilé (Suite...Page 11)



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En Afrique du Nord, les terrasses sont désertées aux heures chaudes de la journée, le matin c’est le lieu réservé aux femmes et aux enfants, elles y étendent leur linge, préparent les repas sur les kanouns. En soirée, les hommes y préparent de petits barbecue et plus tard s’y réunissent pour discuter entre eux et fumer une chicha.
François fugacement se souvint des heures passées à regarder sa mère avec ses voisines tunisiennes sur la terrasse de la maison de Menzel Bourguiba autrefois Ferryville, un bel et grand immeuble donnant sur la rue de France au dessus du café Ben Yeder, ses amies lui apprenaient à faire le couscous, tandis qu’il les regardaient avec délectation tamiser la semoule, éplucher les légumes dans les confidences et la rigolade.

Mais on n’en était plus là maintenant, c’était une toute autre espèce d’individu qui essayait de se faufiler dans les mailles du filet, qu’entre nous François estimait bien laches. Dayan lui fit signe et tels des sioux ils se glissèrent entre les cabanes à pigeons et les étendoirs couverts de draps pour se rapprocher du lieu où la chose était tapie.
Et , soudain, il vit la silhouette d’un homme se dessiner sur les façades en contre-jour des rares réverbères, l’homme s’enfuyait prestement. Dayan et François se mirent à courir à sa poursuite. Il était leste, sa silhouette correspondait à celle du Boucher, de partout des coups de sifflets résonnèrent. En contrebas, dans la ruelle une charrette tirée par deux ânes cahotait dans cette voie où aucune automobile n’aurait pu s’engager.
Ils virent alors l’homme faire un bond prodigieux, sauter à l’arrière de la charrette, en éjecter le chibani qui la conduisait et houspiller les ânes en hurlant : « bara emchi.. ! » pour qu’ils avancent plus vite. Dayan et François n’avaient pas d’autre solution que de sauter dans le vide également…
Ce n’était pas le moment d’hésiter, il fallait prendre le risque de se rompre le cou plutôt que de perdre le fugitif. Retenant son souffle François s’élança yeux fermés suivi de Dayan. La réception fut difficile. Avant que la carriole ne disparaisse à un croisement ils étaient à ses trousses. Le hasard fit que sur le bas côté d’une petite épicerie une autre charrette tirée par un vieux cheval famélique avec juste la peau et les os était attachée à un poteau. Dayan la libéra de son entrave et tous deux s’installèrent en voltige sur le banc vermoulu. A l’arrière quelques kilos de pastèques se mirent à brinquebaler. Ils se lancèrent alors dans une poursuite infernale inaugurant peut être les débuts des westerns-couscous.
Les deux baudets du Boucher gagnaient du terrain et il était à craindre que François et Dayan ne le perde. Ils passèrent près de la gare à la sortie de la Médina, et le Boucher décida de quitter son attelage, car il devenait évident qu’une charrette dans de grands axes ne pouvait garantir sa fuite. Quelques taxis stationnaient sur un parking dans l’attente de voyageurs de la nuit. Le Boucher s’installa dans un, il venait de démarrer lorsque François et Dayan en avisaient un autre et montaient à l’arrière.
Leur chauffeur semblait un petit malin et l’appât du gain dû à une longue course fait tomber les barrières. Dayan se présenta de la Police et lui demanda de suivre l’autre taxi de manière à ne pas être repérés. L’homme leur répondit que l’autre taxi est son cousin et que même s’ils le perdaient un appel sur son portable le localiserait rapidement. Ainsi purent ils suivre le Boucher à distance, ils avaient pris la route d’El Jem, une localité proche de l’autoroute de Tunis, à une cinquantaine de kilomètres de Monastir.

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El Jem est l’ancienne Thysdrus romaine, son joyau est un Colisée romain en bon état, le troisième plus important du monde antique. Autrefois on pouvait l’apercevoir de la route à plusieurs kilomètres à la ronde se détachant sur le ciel bleu d’Afrique, une image à vous prendre les tripes. Mais le développement urbain l’a occulté à la vue des voyageurs et il faut maintenant connaître son existence pour venir le visiter.
Le grand problème des « ruines antiques » c’est que malgré la beauté des ouvrages ce ne sont que des amoncellements de pierres, bien taillées, bien agencées certes, mais des pierres tout de même. Et que le petit peuple lassé de l’expression de Juvénal « Panem et circenses » privilégia la possession d’un toit. Ce qui fit qu’au cours des siècles après le passage des Vandales on se servit sur la bête, bloc après bloc pour construire sa maison. L’Empire romain avait vécu, les Vandales laissèrent en place l’organisation économique et sociale romaine, mais les jeux perdirent de leur splendeur, adieu les spectacles grandioses, la musique tonitruante dans ces arènes où 30.000 spectateurs supportaient pire que le bruit de nos vuvuzuelas contemporaines.
El Jem fut comme ses congénères latins le lieu de la politique de l’Empereur, avec près de 180 jours de spectacles par an à la fin de l’Empire, la population était autant manipulée que peuvent le faire nos médias modernes.
Une fois entré en ville, le taxi du Boucher stationna devant la boutique du vendeur de Tabounas, sur la petite place à côté du Colisée. Celui de François s’engagea prudemment en début de place et se gara derrière la baraque du marchand de journaux. A cette heure matinale, l’endroit était quasiment désert. Le marchand de journaux commençait à sortir ses présentoirs, et à aligner ses périodiques sur les barres en fer, bien disposé à gagner son salaire de misère.
Dans le lointain l’appel du Muezzin retentissait repris du haut des minarets par les hauts parleurs d’autres mosquées, invitant les croyants à prier. Le Boucher n’en avait cure, il se dirigea vers une petite porte basse entrebâillée. Dayan et François le suivirent de loin, ne voulant pas signaler leur présence. Après quelques secondes d’attente ils franchirent également la porte du monument. La beauté du lieu, son côté imposant rempli d’Histoire et heureusement restauré en partie suite à son classement au Patrimoine Mondial de l’Humanité imposaient un immense respect.
Ils longèrent les parois de l’édifice, se glissant entre les arcades du rez de chaussée. Il revint en mémoire à François un épisode de l’histoire du lieu en hommage à la Kahena, une princesse berbère, qui lutta sur ce site durant quatre années contre l’envahisseur musulman et ne dut sa perte qu’à la trahison de son amant qui la poignarda et envoya sa tête au chef des envahisseurs arabes.

Et pour l’heure, les ruines viraient sinistres, des ombres vacillaient fugaces entre les colonnes, des bruits étranges résonnaient de loin en loin rendant l’ambiance funeste. Le Boucher semblait avoir disparu lorsque Dayan fit signe à François d’écouter attentivement, et en fait de faibles sons de voix leur parvinrent du sous sol. Sous les arènes des pièces étaient aménagées, lieux de repos pour les gladiateurs, local pour entreposer la machinerie, geôles, cages aux fauves, les romains avaient tout prévu afin que l’espace accueille les actes du théâtre sanglant destiné à amadouer la gourmandise de la foule assoiffée de meurtres.
Au détour d’un pylône ils découvrirent un trou peu conséquent duquel des escaliers en pierres descendaient vers les entrailles du monument, François pensa à une scène du film « Orphée aux enfers » de Cocteau. C’était surement l’accès emprunté par le Boucher, ils descendirent dans la pénombre, peu rassurés.
En bas des escaliers dégoulinants d’humidité un couloir voûté aux murs de briques rouges desservait de nombreuses salles ayant chacune sa destination propre. Le bruit de voix se faisait plus perceptible au fur et à mesure qu’ils approchaient d’une des salles où la lumière d’une bougie projetait une lueur vacillante dans le couloir.
Ils décidèrent de se rapprocher et de pénétrer dans la salle adjacente à celle d’où provenaient les bruits. Une fois à l’intérieur du local dont le sol sableux était jonché de blocs de pierres, de gravats et de remblais, ils avisèrent une petite anfractuosité dans un mur par où ils purent entrevoir ce qu’il se passait dans la pièce du Boucher.
Au centre de cette salle deux tréteaux supportaient une planche sur laquelle un homme était attaché ou plutôt ficelé comme un saucisson. Autour de lui, trois hommes dont le Boucher semblaient procéder à un interrogatoire nazi. Malgré la faible clarté de la bougie, François crût reconnaître Igor Olanov, l’homme avec qui il avait partagé sa cellule au Commissariat de Djerba
Igor paraissait mal en point, les deux acolytes du Boucher devaient l’entreprendre depuis longtemps car apparemment il en était au point où la langue se délie, où le corps las des souffrances demande grâce et ne souhaite qu’une chose, que tout cesse. François et Dayan purent constater que le son des voix leur parvenait distinctement de là où ils se trouvaient.
Ils virent le Boucher ouvrir une vieille malle et en extraire une mallette en cuir qu’il posa sur un amoncellement de cartons à quelques mètres d’eux. Il actionna la serrure et releva un côté, une pile de billets en grosses coupures y étaient entassés soigneusement.
- « Bien joué » s’exclama-t-il à l’intention de ses complices.
- « Cela n’a pas été trop difficile Maître » répondit l’un d’eux.
Le Boucher se tourna vers Igor et s’adressant à lui :
-« Cela t’apprendra à vouloir jouer cavalier seul. Je t’avais dit que cet argent n’était pas pour toi. Et en plus de me voler l’argent tu as gardé la fille. J’avais confiance en toi Igor, c’est pourquoi je t’avais chargé de l’enlèvement, tu m’as déçu. Tu m’as bien servi en enlevant Nicole, et tout a basculé à Djerba. Je t’avais donné pour mission de tuer le français, tu as eu trois occasions de le faire dont la dernière dans sa cellule et tu ne l’as pas fait. Je n’aurai jamais dû t’en faire sortir, j’ai soudoyé un flic pour toi, cela m’a coûté beaucoup d’argent et voilà comment tu me remercies, en t’enfuyant avec ma mallette, heureusement que j’ai des hommes plus fidèles que toi espèce de alouf.
Il te reste une dernière chance, dis moi où tu as caché la fille et nous ne te ferons aucun mal. »
- C’est bien vrai. ? Dit Igor d’une voix faible.
- Parles Igor, parles, insista le libyen d’un ton menaçant.
- Vous ne me tuerez pas, après. ?
- Parles, je te dis. ! Aboya le tortionnaire.
- Bien, elle est chez Rachid , route de Douz près de la station d’essence Alybia à Matmata. Elle est en bonne santé.
François et Dayan n’avaient rien perdu de la conversation, ainsi le Boucher était mêlé à l’enlèvement de Nicole la fille du banquier suisse. Sa poursuite et leur acharnement leur permettrait peut être de dénouer les nœuds de deux affaires tenant entre elles par le lien alambiqué de ce personnage sanguinaire.
Ils n’eurent pas le temps de se regarder que déjà le Boucher avait sorti de sa poche un énorme couteau à cran d’arrêt qu’il plongea dans la carotide d’Igor. Voilà comment il tenait ses promesses.
Ses deux complices étaient restés là bouche bée, bien qu’ils connaissaient sa haine, il les surpassait dans l’horreur.

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